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Tensions sur les couvertures d’engrais

Les jeunes font moins confiance aux ammonitrates comme forme principale d’engrais azoté, avec dix points de pourcentage de moins que leurs aînés.

Tiraillés par la crainte d’un scénario catastrophe lié au MACF et les manques de perspective de rémunération, les producteurs auraient davantage anticipé leurs achats d’engrais azotés, selon notre enquête Agrodistribution-ADquation réalisée en novembre.

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Deux forces opposées s’affrontent dans la campagne de commercialisation des engrais minéraux 2025-2026. D’une part, il y a ce frein aux achats lié au manque de trésorerie et à un effet de ciseau redoutable entre fermeté des cours des engrais et stagnation des cours des céréales à un niveau bas, au regard des coûts de production. De l’autre, il y a cette incitation à se couvrir avec un risque de hausse des prix et de manque de disponibilité à l’importation lié à l’entrée en vigueur du MACF (mécanisme d’ajustement carbone aux frontières) au 1er janvier 2026.

Davantage d’anticipation

Jusqu'à ce présent, le dispositif semble ne pas devoir être ajourné en dépit de la demande appuyée, notamment, du Copa-Cogeca. Une partie du flou quant au montant des taxes avait cependant été levée mi-décembre, provoquant une certaine détente sur les prix spot. La Commission européenne a par la suite annoncé, le 17 décembre, « une disposition extraordinaire sur les engrais pour limiter l’augmentation des prix ». Une mesure aussitôt dénoncée par les associations spécialisées grandes cultures de la FNSEA comme un « ultime enfumage », sachant que « pour un engrais comme la solution azotée d’origine USA (ou Trinité-et-Tobago), cet aménagement ferait passer le surcoût du MACF annoncé par les autorités françaises de 35% à 25% de taxes ».

Notre enquête Agrodistribution-ADquation, réalisée en novembre, révèle un niveau de couverture en légère hausse pour les engrais azotés simples. Sur 360 répondants représentatifs des agriculteurs utilisateurs, 56 % (1) avaient déjà en stock la majeure partie des engrais azotés simples qu’ils comptent utiliser au cours de la prochaine campagne. C’est 5 points de plus qu’en 2022 à la même époque et 4 points de plus qu’en 2023. Cela tend à montrer que, malgré des trésoreries très basses et des cours des céréales également très faibles au regard des coûts de production, un effort pour « dérisquer » les achats d’engrais a en partie été consenti. La mobilisation des équipes commerciales des négoces et des coopératives pour apporter des solutions et sensibiliser leurs adhérents et clients dans ce contexte très particulier n’y est certainement pas pour rien.

À l’échelle régionale, de grands écarts apparaissent cependant. La proportion d’agriculteurs disposant d’un stock d’engrais azotés confortable atteint 69 % dans l’Ouest et 64 % dans le Nord-Est, niveaux nettement supérieurs à la moyenne nationale. Le Centre se situe en retrait avec 46 %, tandis que le Sud affiche le taux le plus faible, à 43 %. Ces chiffres révèlent la fracture territoriale qui se creuse désormais en France en lien avec la fragilité des systèmes Scop du Centre, d’une part, et avec les réalités de la moitié sud, qui souffre le plus des dérèglements climatiques, d’autre part. En revanche, les secteurs de polyculture-élevage semblent avoir pu profiter de trésoreries renflouées pour réaliser leurs achats anticipés. Les structures de plus de 150 ha (65 % de couverture) sont aussi plus nombreuses à avoir anticipé ainsi que les jeunes. Les agriculteurs de 45 ans ou moins sont 65 % à déclarer disposer d’un stock important d’engrais azotés, contre 61 % chez les 46 à 55 ans et seulement 47 % chez les exploitants de plus de 55 ans.

Plusieurs acteurs de la distribution et de centrales d’achat d’engrais que nous avons interrogés ont constaté un rebond des commandes d’engrais sur la période de fin octobre et de début novembre. En revanche, la morte-saison aurait été plutôt calme, fugace et tardive, avec un démarrage autour du mois de mai. Des ventes ont aussi été déclenchées fin août et début septembre.

Les ammonitrates confortés

Cette campagne semble marquer également une accélération dans l’utilisation d’engrais minéraux azotés simples dans une logique d’optimisation du coût de l’unité d’azote au détriment des formes composées. En cumulant haut dosage et moyen dosage, l’ammonitrate est la forme d’engrais minéral privilégiée pour 48 % des exploitations agricoles, en hausse de 5 % par rapport à 2023 et de près de 10 % par rapport à 2022. C’est à mettre en lien avec les retours du terrain qui font état d’un bon niveau d’approvisionnement par les usines domestiques françaises et européennes. La part d’urée se maintient, de même que celle de solution azotée, malgré les alertes de la distribution sur les manques de disponibilité et la hausse relative du coût de l’unité de la « solaz ». La solution azotée reste la forme reine dans les exploitations de grandes cultures à 27,3 %. Les engrais azotés à libération lente ou contrôlée sont encore peu diffusés comme source principale d’azote pour les exploitations, hormis dans le Sud où cet usage concerne 10 % des structures. Alexis Dufumier

(1) Les chiffres de l’infographie sont inférieurs, car ils font apparaître l’ensemble des agriculteurs, y compris ceux n’utilisant pas de formes azotées simples. Les 56 % valent uniquement pour les utilisateurs d’engrais azotés simples.

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